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Photo du rédacteurMichel Picot

Vis ma vie de commerçant durant la grève

Voici une tribune qui fait beaucoup parler d'elle. Elle est criante de vérité. Voici pourquoi : « Mon entreprise, qui m’a tant coûtée, et les emplois de mes salariés sont à la merci de cette grève. » (extraits)


Ils étaient pourtant nombreux à compter sur cette fin 2019 pour améliorer leur activité, déjà bien mise à mal par le mouvement des gilets jaunes à la même période l’année dernière. C’était sans prévoir la grève. Lancée le 5 décembre dernier, elle s’est inscrite dans la durée, portant un coup très dur aux restaurants qui enregistrent déjà des annulations en cascades et des baisses de réservations comprises entre 30% et 50%. Parmi les restaurateurs, l’inquiétude se répand et à raison.



La grève…

Cette fameuse manne franco-française qu’on brandit fièrement, qu’on revendique, qu’on use jusqu’à la corde tel un enfant fâché auprès d’un parent étatique fatigué.

Mais qui est ce « on » ? La grève est un droit ? Mais alors ne devrions-nous donc pas tous être égaux face à cette option : cesser notre activité professionnelle séance tenante pour faire valoir nos revendications ?


Dans les faits, QUI, mis à part la RATP, dispose de ce privilège ? QUI peut cesser de travailler en engendrant un tel potentiel de nuisance imposant à tous d’être le témoin de ses revendications ?

En tant que commerçant, artisan, salarié de n’importe quelle PME, si je suis insatisfait de mes conditions de travail, de mes clients, de mes charges, et que j’arrête de travailler pour faire valoir mes revendications, à qui vais-je nuire à part moi-même en me privant de salaire, de chiffre d’affaires et d’activité ?


[...]


La grève n’est pas un droit, c’est un privilège réservé à une partie de la population. Celle qui décide qui a la droit de travailler ou non. L’idée n’est pas d’avoir un quelconque avis sur les revendications elles-mêmes des grévistes mais d’énoncer ici les conséquences sur une majorité silencieuse qui ne dispose pas dudit privilège.

Donc à titre informatif, et puisque de grands leaders de cette grève se targuent d’agir pour le Bien de tous, j’aimerais raconter comment se déroule ma semaine.


J’ai 3 restaurants et 22 salariés. Il convient d’abord de préciser que ce statut me procure un salaire mensuel acceptable mais bien inférieur à celui dont j’aurais disposé en tant que salarié au même âge et à expérience égale. Mon taux horaire est en revanche ridicule et bien inférieur au SMIC étant donné qu’un entrepreneur travaille chaque heure où il ne dort pas.


Par ailleurs, aucun de mes restaurants ne dispose d’une trésorerie ne serait-ce que confortable car chaque euro gagné est alloué aux salaires, aux charges, aux matières premières et à l’amélioration des conditions de travail de mes salariés. Une fois que tout a été payé, il reste quelques kopecks que l’on garde précieusement pour les coups durs : casse, dégâts des eaux, équipements, etc. Seulement les coups durs sont finalement des charges aussi régulières que les frais fixes.


[...]


Dans le Koh Lanta des commerçants, l’épreuve des Gilets Jaunes avait déjà éliminé quelques candidats. Ils ne disposaient pas de la force de frappe de ces nouveaux ravisseurs cheminots. La prise d’otages touche cette fois tout le monde et remet définitivement en cause l’existence des commerçants. Cette année, le gréviste me ponctionnera plus que l’Etat lui-même. Chaque mois je règle mes charges et impôts le coeur serré au vu de ce jeu à somme nulle et aux règles rédhibitoires mais avec la satisfaction moindre que ce soit le coût de la solidarité. Les sommes que me coûtent les grévistes ne financent que leurs intérêts propres. S’ils parviennent en bout de course à me mettre au chômage, je n’en verrai pas les indemnités car en tant que « Chef d’entreprise », il me revient la responsabilité de m’auto-gérer en période de disette. Quant aux retraites, je n’ai ni le loisir d’y penser ni le luxe d’y prétendre. Pourtant, je financerai gaiement celle des autres tout au long de ma « carrière ».


J’entame MA semaine de grève ce jeudi 5 décembre.

Les premiers effets Kiss Cool ne se font pas attendre : une pluie d’annulations tombent sur les restaurants. En parallèle, 70% des salariés n’ont pas la possibilité de venir travailler. Nous prenons la décision de fermer l’un des restaurants et de répartir les quelques salariés disponibles sur les deux autres établissements. Le service est une hécatombe, le chiffre d’affaire ne couvre même pas les taxis que nous réservons à nos salariés pour qu’ils puissent regagner leur domicile.


[...]


L’hécatombe s’étend, et de manière exponentielle. Chaque évolution est pire que la précédente. Les salariés travaillant en banlieue sont carrément sinistrés, les fournisseurs ne peuvent assurer les livraisons, les clients ne se déplacent pas.

Le mois de décembre est pour nous celui des repas d’entreprises. Un chiffre d’affaires additionnel en fin d’année qui permet de fermer durant les fêtes sans y perdre trop de plumes. Les premiers groupes annulent remettant en cause l’intégralité de notre gestion de cette période. Peut-on maintenir les primes de Noël ? Peut-on conserver les congés des salariés ?


[...]


Nous maintenons notre volonté de rester ouverts coûte que coûte et nous décidons que toute les salariés seront payés, qu’ils viennent ou pas. Ceux qui n’ont pas de solution bénéficieront de journées de congés payés. Même ceux qui n’en ont pas encore ou déjà plus. En ce 6ème jour de grève, nous réalisons néanmoins que les frais des transport continuent de dépasser le chiffre d’affaires. Nous avons réussi à fidéliser des salariés en restauration pendant 6 ans, un record et une victoire car nous avons toujours eu leur intérêt à coeur. Aujourd’hui, je me vois dans l’obligation de leur demander de venir par leurs propres moyens ou de ne pas venir du tout.


Mon entreprise, qui m’a tant coûtée, et les emplois de mes salariés sont à la merci de cette grève.

Chaque jour qu’elle dure causera un peu plus notre perte.


Tribune complète ICI

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